lundi 14 novembre 2022

JUNGLE ROUGE

 

 

LATINO CORAZÓN

 

 
 
 
Raconter la lutte armée des Forces armées révolutionnaires de Colombie par le biais du cinéma d’animation (mixte) : c’est le pari de Juan José Lozano, cinéaste venu du documentaire, dans “Jungle rouge”.

La dérive violente de la guérilla des Farcs en Colombie, dans un film d’animation hybride. Saisissant.

En Colombie, la jungle est « rouge », aux couleurs de la guerre civile qui n’a cessé de ravager le pays, et des idéaux dévoyés des Farc (Forces armées révolutionnaires colombiennes), guérilla marxiste devenue, au fil des décennies, une redoutable organisation terroriste et criminelle. Ce singulier film d’animation se concentre sur une tranche précise de la longue et violente histoire du mouvement, de 2002 à mars 2008, date de la mort de l’un de ses leaders, Raúl Reyes, tué dans une intervention conjointe de la CIA et de l’armée colombienne. Sur le terrain, les assaillants découvrent des ordinateurs, et les innombrables échanges sur la messagerie électronique du chef de guerre. Fondée sur des archives inédites (dont de nombreux extraits sont lus en voix off), cette œuvre déroutante nous offre un voyage dans une autre « jungle », celle des pensées, des calculs politiques et des hantises de l’auteur des e-mails, un Raúl Reyes à mi-chemin entre le personnage historique et l’anti-héros réinventé, entre ferveur idéologique et folie paranoïaque.

Cette étrange hybridation définit le film tout entier, qui superpose à une base documentaire solide, touffue (beaucoup de dates et d’événements, dont le tristement célèbre enlèvement d’Ingrid Betancourt) des éléments fictionnels, visions cauchemardesques ou conversations intimes. Esthétiquement, les réalisateurs font le même pari audacieux : tourné avec des acteurs, le film est retravaillé en animation, grâce à la technique de la rotoscopie — consistant à habiller les prises de vues réelles de dessins. Sur fond de forêts vibrantes, cette fusion de l’art et du réel tend à rappeler que toute évocation historique est un palimpseste, une vérité qui affleure et insiste sous une couche d’imaginaire.

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